Interview, reportage sur 'une championne ardéchoise - mars 2020 pour l'Hebdo de l'Ardèche

 

Le palmarès d’Eva Guillot, âgée de 21 ans, est déjà impressionnant : 2019 Championne du Monde Amateur Iska de K1 à Milan, Médaille d’Argent Coupe du Monde Wako KickBoxing amateur à Rimini, Championne Régionale en Kickboxing, Championne Régionale Universitaire, Championne de France Série A de Full Contact, Championne de France Universitaire élue meilleure combattante de la compétition, sélection par la FFSU et la FFKMDA pour participer aux Championnats d’Europe des Universités à Zagreb, et il en va ainsi les années précédentes, soit plus de 70 combats à son actif. Mais qui est cette championne d’exception? Portrait de cette jeune femme née le 18 avril 1998.

D’où vient cet investissement dans ces disciplines sportives ?

Papa pratiquait déjà à Vienne à l’âge de 25 ans. Ma soeur et moi, nous avions 6 ans environ lorsque nous avons découvert la boxe. Mon père avait monté le club. Petites, nous ne choisissions pas. J’étais un peu tentée par la danse et le cheval mais ça me convenait bien la boxe et finalement j’ai toujours aimé ça. J’ai fait ma scolarité à Alboussière puis au collège à Vernoux puis le lycée au Cheylard tout en progressant régulièrement dans ces disciplines. En 2016, après mon Bac S et le concours Paces, commun aux études de médecine et kiné, j’ai fait le choix d’un métier de prédilection : le corps humain, la santé, tout en souhaitant préserver mes entraînements. Pas simple car les études sont vampiriques et très longues en médecine nutritionnelle et elles exigent du temps dont je ne disposais pas assez. J’ai opté pour le concours de kiné et des études en 3 ans plus deux concours, donc bien en lien avec le sport et un format idéal pour tout mener de front : études et activités extra scolaires. Mais j’ai raté mon premier passage à ce concours en 2017 que j’ai retenté l’année suivante en mettant un peu le sport de côté, avec un entraînement une fois par semaine pour mieux m’aérer.

Comment parviens-tu à allier sports et études ?

“Les études de kiné ne sont pas comme dans les autres facultés. Pour les sportifs de haut niveau classés “étudiants liste 1”, leur statut leur permet d’aménager les horaires de cours. Ils sont dans la liste du Ministère du Sport. Exemple : pour les compétitions, ils n’ont pas cours quatre jours dans la semaine et font leurs études sur trois ans au lieu de deux. Pour les études de kiné, seule la liste 1 est reconnue par le Ministère. Je suis dans la liste n° 2 et ne bénéficie donc pas des mêmes avantages. Mais depuis l’année dernière, les absences aux cours en liste 2 sont acceptées. Il n’y a toutefois pas d’aménagement des horaires pour mes études en trois ans. J’ai fait mes premier et deuxième concours en 2017 et 2018, ma première année en 2018 et suis en deuxième année en 2019. Stand by sur les compétitions en 2017”. 

Penses-tu que ces sports de combat pourraient figurer dans les Jeux Olympiques?

Peut-être n’y a-t-il pas assez de pratiquants … je ne pense pas que l’argument tienne que ces sports soient violents, car pas plus que la boxe anglaise qui, elle, est représentée aux JO. S’il devait y en avoir un, à mon sens, ce serait plutôt la Boxe K1 car ce sport est plus apprécié par le public, plus varié, plus harmonieux, peut être aussi le King Boxing.”

 

Petite fille, qu’est ce qui te plaisait dans ces sports de combats et pourquoi ?

A six ans déjà, ce sport me permettait de prendre confiance en moi puis plus tard encore avec les compétitions. Je me sentais vraiment capable de faire quelque chose et j’étais reconnue. Mon père enseignait le Full Contact dont il était issu : les jambes tapent au-dessus de la ceinture. Il fallait suivre la mode et surtout les pratiques sportives avec plus d’opportunités comme le King Boxing : on est en short, on tape dans les cuisses. Au Club, est arrivé Hacene Bouremma qui vient du Nord, déjà un très bon niveau en boxe thaï. Depuis peu, nous avons ajouté le K1 qui permet encore plus d’opportunité et ce sport est plus médiatisé. Ces disciplines m’ont donc apporté le dépassement de soi-même, mieux me connaître. On fait des choses dont on ne pensait pas être capable. Ce que j’aime avant tout dans la boxe, ce sont les valeurs. Au début, les deux boxeurs se respectent. En fin de combat, les deux boxeurs retrouvent le plaisir de s’entraîner ensemble, chacun apprend de son combattant. On se projette pour gagner, progresser, échanger entre nous.”

Quel a été le palmarès de ton père ?

“Il a fini il était boxeur pro. De mémoire : demi-finaliste France amateur en 1993, Vice-Champion de France  amateur en 1995, demi-finaliste France 1996. Il boxait à l’époque de ces titres au Full Contact Gym à Vienne (38). Au total, 25 combats, 15 victoires et 10 défaites.”

Comment te projettes-tu dans les années à venir ? 

“Mon parcours universitaire global se déroule sur 5 ans et avec cette année il m’en reste deux. La première année, j’avais fait une pause avant de reprendre doucement avec trois entraînements par semaine. Je suis revenue aux compétitions en 2018. Je suis très satisfaite car j’ai réussi mon année universitaire sans rattrapage et ce fut aussi une très bonne année côté sportif. En 2019, je suis passée à six entraînements par semaine mais j’aimerais augmenter l’intensité sportive et faire deux entraînements par jour au lieu d’un actuellement. Je loge à Grenoble à dix minutes à pied de la Fac et à 10 mn de la salle de boxe. Je m’entraîne le soir avec le coach du club mais je préfèrerais l’après-midi ou le matin pour compléter ma préparation physique, plus en 2020 ou 2021. A la fin de cette année, à mi-parcours de mes études, je vais faire le point de ma carrière sportive. Mais je pense que je viserai raisonnablement une poursuite jusqu’à l’âge de 30/35 ans maximum. Idéalement, il faudrait que dans 10 ou 15 ans, je puisse allier les trois éléments de ma vie car j’habite depuis six ans avec mon petit ami sportif lui  aussi. Alors il faut envisager de vivre une carrière de kiné, à mi-temps, pour maintenir les entraînements, plus tard avoir des enfants. Et puis, j’ai d’autres passions à assouvir. J’aime courir pour ma préparation physique. La course à pied me tente bien. Je n’envisagerais éventuellement d’être entraîneur que bien plus tard, peut-être, ou pas. Je m’entraîne moi d’abord.”

Que palmarès vises-tu pour être pleinement satisfaite ?

“Clairement, mon objectif cette année 2020, dans les trois disciplines, c’est de devenir Championne de France en K1 en janvier prochain. Cela me permettrait potentiellement un recrutement en Equipe de France. Ce serait pour moi vraiment une super expérience à vivre. Je souhaite aussi développer un peu plus les galas car les recruteurs y sont présents. Ils vous observent. Ensuite ils vous intègrent dans des stages de sélection. L’année passée, c’était compliqué en première année de kiné. J’ai fait Championne de France en Full Contact mais je n’ai pas été sélectionnée en King Boxing et pas non plus en K1. Si je parviens à cumuler les trois, j’ai de fortes chances d’être sélectionnée en Equipe de France. Je suis actuellement en semi-pro et fais quelques galas qui me rapportent 200€. En boxing pro, au niveau supérieur, j’ai envie d’être confrontée aux meilleurs niveaux qui puisse exister. Les objectifs sont clairs. Sur le plan de mes études, il m’est proposé un Master double cursus. En gros, je valide des unités d’enseignements pendant mes quatre ans, je fais un stage pour obtenir plus de crédits pour la validation d’un premier Master d’Ingénierie de la Santé. Du coups, il faudra rajouter une année d’étude pour valider le deuxième Master en 2022. Il s’agirait alors pour moi d’une potentielle reconversion après la kiné pour exercer un autre métier en rapport avec la nutrition qui m’intéresse. Cela ne me facilite pas la vie mais c’est maintenant ou jamais qu’il faut tout tenter. Je verrai donc en 2020 si je peux tout faire ou pas et ferai les choix nécessaires. Ce ne serait que du bonus. D’autres portes me seraient ainsi ouvertes pour adapter ma vie aux circonstances.”

Eva Guillot se donne manifestement les moyens de ses ambitions et le challenge est de taille. Autant dire que si elle mène avec autant de conviction sa carrière sportive comme elle avance dans sa carrière professionnelle, qu’elle allie sa vie privée avec ses passions, la vie d’Eva Guillot sera d’une richesse sans pareille pour trouver équilibre et plénitude. Il n’y aura pas de difficulté à imaginer la joie de ses parents, de son père Richard Guillot en particulier qui baigne, avec ses deux filles, dans la même pratique sportive, dans un parcours sportif d’exception.