Il est normal, lorsqu'il y a des attentes précises, de connaître la déception. Le titre accrocheur laissait supposer une initiative dynamique collant au plus près des préoccupations territoriales, sociales, politiques du moment. Difficile en effet d'ignorer combien l'économie locale peut se sentir concernée par un événement comme celui qui eut lieu hier, jeudi 3 juillet 2014 à 16h30 au Théâtre de Vienne (38) : la présentation de l'étude d'impact économique du festival de JAZZ A VIENNE. Dans le cadre du projet 2013 – 2016, ViennAgglo et son Président ont fait appel à la Société NOVA

CONSULTING pour mener à bien, six mois durant, de janvier à juin 2014, un draguage de fond de diverses données. L'enquête ainsi menée s'est fondée sur une masse d'informations tant qualitatives que quantitatives. Pour compléter ces fondations, une « analyse financière » des divers postes de dépenses a été initiée auprès des organisateurs et de ses partenaires.

 

Le taux de chômage en Isère, selon les chiffres semi-définitifs du premier trimestre 2014 selon l'Insee, est de 8,1 %. En 1994, le pic atteignait 10,7 %. Evidemment, à l'annonce du rendez-vous donné par Thierry Kovacs, Président de ViennAgglo et de Jazz à Vienne, Maire de Vienne, et de Stéphane Kochoyan, Directeur de Jazz à Vienne, tous les espoirs étaient permis. Comment en efffet ne pas s'enthousiasmer par une telle étude ? Le Festival de Jazz a été créé en 1981 sous une forme associative. L'année 2011 est marquée alors par la création de l'établissement public JAZZ A VIENNE. Puis en 2013, la rédaction du projet stratégique « 2013 - 2016 » voit le jour.

 

Evidemment, les chiffres énoncés impressionnent. Comment pourrait-il en être autrement ? Tous les intérêts reposent manifestement sur les effets comparateurs avec d'autres festivals de réputation nationale, voire internationale. Celui d'Aix en Provence, en autre, fait l'objet de plusieurs citations durant la présentation à la presse.

 

Donnons la part belle aux chiffres évoqués et ne gâchons pas notre plaisir. Il convient de faire écho de l'optimisme ambiant où l'auto-satisfaction transmet des vibrations futuristes et évolutives. Mais d'autre part, est-ce que l'étude des retombées économiques s'annonce réellement en terme « d'impact » « éco-festival », « marché citoyen », « charte équitable et locale » ? D'une certaine façon, peut on, va t on, apprécier cet impact en terme d'emplois locaux, au bénéfice des producteurs du terroir, au développement des sociétés iséroises, voire plus largement à celles de toute la région ? A l'heure de la mondialisation, où le politiquement correct passe par l'action de privilégier un terrain de proximité pour doper l'économie locale, qu'en est il véritablement et en toute transparence ? Combien de salariés, de cadres, d'entrepreneurs, de sociétés ont été, sont et seront impactés par JAZZ A VIENNE ?

 

LES PISTES DE DEVELOPPEMENT

 

« 87 % des spectateurs habitent le département ou la région »

Le public du festival se compose à 29 % d'isérois, 58 % de régionaux, 12 % de nationaux et 1 % d'internationaux. 49 % de ce public se retrouve en groupe de 4 personnes au minimum pour assister aux représentations. L'excellence contribue (86 % contre 60 % en moyenne pour d'autres festivals artistiques) à la fidélisation (50 % depuis 10 ans, voire 77 % chaque année). Cette « communauté » pèse 82 % de recommandations gratuites (contre 35 à 40 % pour d'autres festivals).

 

L'impact économique global énoncé serait concentré uniquement sur du local pour 81 % du fait du festival, 67 % par les spectateurs, 66 % au profit du territoire local. Le public mixte se compose de nationaux et d'internationaux dont l'effet représente 44 % de retombées économiques. Il convient toutefois de mentionner que la durée de séjour apparaît comme très décevante : moyenne 1,7 jours durant le festival, soit 55 % une journée, 35 % deux jours. Le développement touristique semble ne pas être impacté de manière significative, en particulier « hors saison ». La contrepartie s'entend en terme d'économie environnementale par du transport individuel massif, malgré la mise en place d'un train TER exceptionnel en partant de Lyon, coûteux pour les contribuables et peu fréquenté (167 personnes par exemple pour le spectacle du 3 juillet). Pour les villes de Saint-Etienne (5 % du public), et Grenoble (entre 3 et 7% pour l'aggomération), des dispositifs de transports collectifs ont été sollicités. Les perspectives de partenariats en cours permettront ils d'optimiser le développement économique et l'emploi ? A l'exemple de la première manifestation Vienne/Grenoble, dans l'année 2014, organisée conjointement avec Marcus Miller, le ton pourrait être donné de mettre en valeur sur le département tous les groupes de jazz qui distinguent l'Isère au niveau national. Le renforcement du « off » allierait culture et tourisme tout au long de l'année. Cette piste de travail est inscrite dans le projet 2013 – 2016. Ce dernier imagine l'augmentation de la fréquentation (+ 100 spectacteurs en plus par soirée) avec un rayonnement économique et touristique plus large comme par exemple sur le patrimoine local. La capacité d'accueil se doit donc d'être revue et diversifiée (Mjc et autres structures, Conservatoire, Théâtre de Vienne, etc). Cela passe alors par un événement fédérateur au « monde du Jazz » : la création d'une Maison du Jazz qui aurait un double impact : une meilleure visibilité et valorisation de la « marque » à vendre. Précisions que les retombées médiatiques (856) du Festival 2014 ont relié 250 millions de personnes sur touts les supports de diffusion.

 

5 millions d'Euros en 2014 à 80 % d'auto-financement, voilà ce que LE JAZZ A VIENNE affiche fièrement pour 15 euros en moyenne de retombées économiques par spectateurs. A titre comparatif, le Festival d'Aix en Provence représente 10 euros en moyenne contre 6 euros en général pour d'autres manifestations nationales similaires. 25 % se traduisent en taxes pour l'Etat et les collectivités. Les principaux décryptages chiffrés qui nous sont donnés en pature concernent l'Agglomération viennoise : cafetiers (1,7 M€), restaurants (2,8 M€), hébergements (1,4 M€), commerces de détails, lieux culturels, transports (4,2 M€). La billetterie dégage 2,6 M€. Se retrouvent dans les 1,3 M€ de « divers » d'autres prestataires comme les imprimeurs, la sécurité, les médias, etc. La réelle spécificité de JAZZ A VIENNE réside dans ces 14 M€ engrangés par la manne des spectateurs dont 2,6 M€ de billetterie contre 1,1 M€ de ressources propres, 1 M€ des collectivités, 0,9 M€ des entreprises partenaires et mécènes sur un total de 17 M€.

 

La diversification s'inscrit sur la volonté d'ouvrir vers des publics de plus en plus jeunes, les amoureux du Jazz de demain.La Maison du Jazz initiera peut être vers la richesse associative dont est doté le territoire de l'Agglomération viennoise (18 communes). Le festival est gratuit aux moins de 12 ans actuellement. Le renouvellement générationnel garantira la pérénité et bâtira la réussite pour les initiatives futures.

 

CE QUE L'ETUDE AURAIT PU REVELER

 

Soyons magnanimes : cette toute première initiative est couronnée de succès et aura eu le mérite d'exister. Les chiffres, pourcentages, analyses sont plaisants à lire. Il est donc normal de s'énorgueillir pour Vienne et son agglomération des retombées économiques locales. Ce que l'étude ne dit pas repose sur un deuxième volet qu'il conviendrait d'appréhender dans un proche avenir. La réputation de JAZZ A VIENNE ne pourrait que se renforcer voire même argumenter plus fortement les raisons d'un engouement artistique indéniable : la dimension humaine, sociale, économiquement durable, par effets de cascade.

 

Savons nous par exemple où les restaurants locaux se fournissent pour agrémenter leurs plats ? Les producteurs de la région sont ils les heureux bénéficiaires de ces 2,8 Millions d'euros de retombées économiques ? Quel impact social se dégage de cette frénésie économique ? Le département de l'Isère, les autres départements de la région, est il, sont ils « privilégiés » pour booster l'emploi, activer toutes les étapes de transformation, de production, de commercialisation ? Concrètement combien d'emplois ont été générés durant le festival, la saison d'été et le reste de l'année ? En quoi les départements frontaliers (l'Ain, le Rhône, la Loire, la Drôme, l'Ardèche..) sont directement ou indirectement concernés par ce festival prestigieux qui revendique des retombées économiques ?

 

CE QUE L'ETUDE DEVRAIT FAIRE TRANSPARAITRE

 

Misons alors qu'une suite sera donnée à cette étude afin d'appréhender dans le détail, et de façon plus exhaustive, les réels impacts à tous les niveaux de l'économie départementale et régionale en plus du locale. La transparence et la « traçabilité » seront ils au rendez-vous afin d'apprécier la réalité d'une démarche « éco festivale » de développement durable ?

 

A l'heure où le chômage sévit et frappe sévèrement bien des isérois et au-delà ,et pas seulement des viennois, le Festival de JAZZ A VIENNE se doit, par éthique dont il se prévaut pour le partage, l'ouverture, la convivialité, la culture, la non ségrégation etc, de s'auréoler d'une image plus globale et encore plus positive. Etre un acteur de l'économie locale peut ne pas suffire au regard de « l'intérêt général » de proximité géographique pour un meilleur développement durable.

 

Misons sur le fait que d'ici à 2016 les retombées économiques de JAZZ A VIENNE illumineront, au-delà des frontières de l'agglomération où l'intérêt général devient une nécessité, une priorité régionale voire nationale, un enjeu humain de premier ordre. Pourrions nous lire alors, en complément d'étude, les retombées en cascade, niveau par niveau, pour un « impact » économique à grande échelle, vérifiable, quantifiable, sur l'ensemble des professions concernées. Les « impacts indirects » se traduiront alors, s'il en est bien ainsi, et cela reste donc à prouver, par des chiffres de sous-traitants, de sociétés de services, par des embauches circonstanciées à mi temps, pleins temps, temps partagés (étudiants, jeunes, seniors) et ce, tout au long de l'année.

 

Il sera alors vraiment possible de parler d' « impact » économique d'une façon plus large et étoffée. Il s'agira véritablement des retombées économiques où le mot « impact » prendra alors tout son sens de façon plus globale. La notoriété, la valorisation, le déploiement de la marque de JAZZ A VIENNE, iront de pair et dans le même sens que pour tous les acteurs économiques, personnes morales et physiques, de cette belle région.

 

Claire Mollien

 

Web rédacteur reporter photographe

Animatrice du Réseau Régional du Triangle de Lyon/Valence/St Etienne/Grenoble

https://twitter.com/claire42520