Alors que l'UE vient de présenter sa future directive sur l'efficacité énergétique, un nouvel outil est disponible pour se pencher sur la question puisque l'Afnor vient de publier la norme ISO 50001. Charles-Pierre Bazin de Caix, Chef de projet Normalisation à l'Afnor nous la présente.
Actu-Environnement : L'Afnor vient d'annoncer la publication de la norme ISO 50001. Pouvez-vous nous la présenter ?
Charles Pierre Bazin de Caix : La norme ISO 50001 est un système de management de l'énergie. Son objectif est d'aider les entreprises, les organismes de manière générale à développer une gestion méthodique de l'énergie. Cette norme est complémentaire des autres systèmes de management tels que l'ISO 9001 pour la qualité et l'ISO 14001 pour l'environnement car elle a la même structure et les mêmes fondements. Elle s'articule aussi autour du principe de l'amélioration continue.
AE : Quel est l'esprit de cette norme ?
CP-BC : La norme aborde deux aspects : en premier lieu l'efficacité énergétique, c'est-à-dire qu'il faut identifier sur chaque poste de consommation comment améliorer le rendement et obtenir le même produit ou service avec moins d'énergie. L'ISO 50001 permet également d'aborder la performance énergétique globale de l'organisme. La performance énergétique globale inclut l'efficacité, l'usage et la consommation énergétique. Cela revient à se demander comment l'entreprise dans sa manière générale peut améliorer son fonctionnement pour réduire les consommations énergétiques. Doit-on repenser le circuit des transports ou les échanges avec l'extérieur, ou encore un procédé industriel ? Quelles sont les sources d'énergies, sont-elles optimales pour l'usage qui en est fait ? L'ISO 50001 fournit aux organismes le cadre de cette démarche d'amélioration.
AE : Quelles sont les grandes étapes de sa mise en œuvre ?
CP-BC : Pour commencer, il faut réaliser un état des lieux sous forme de diagnostic énergétique qui constituera le socle de la démarche d'amélioration et de la définition de la politique de l'organisation. L'organisme passe en revue l'ensemble de ses usages énergétiques et de ses consommations de référence et identifie les usages les plus importants et les opportunités d'amélioration de la performance énergétique. Toutes les consommations et tous les intrants énergétiques sont comptabilisés que ce soit l'électricité, les combustibles (gazeux, liquides ou solides) etc... Le périmètre choisi doit être le plus large possible comme pour l'ISO 14001. Une entreprise devrait par exemple étudier la consommation d'énergie due aux déplacements de ses salariés.
Une fois que le diagnostic énergétique a été établi, l'organisme définit ses indicateurs de performance énergétique (IPE), selon une méthodologie enregistrée et revue régulièrement. Dans le respect du principe d'amélioration continue, des objectifs doivent être fixés et conduire à la mise en place de mesures d'amélioration.
AE : A qui cette norme s'adresse-t-elle ?
CP-BC : Potentiellement tout le monde peut être intéressé. La norme est destinée à tout type d'organismes qu'ils soient publics ou privés mais plus particulièrement aux activités industrielles et commerciales. Selon plusieurs études, elle peut concerner 60% de la consommation d'énergie mondiale. Cela ne veut pas dire que l'on va faire baisser la consommation mondiale de 60% mais que l'on peut agir potentiellement sur 60% de cette consommation.
AE : Comment va-t-elle s'articuler avec la norme européenne EN 16001 sur l'efficacité énergétique ?
CP-BC : La norme ISO 50001 va remplacer la norme européenne EN 16001 sur le système de management de l'énergie publiée en 2009. Ce sera effectif d'ici quelques semaines lorsque la norme ISO sera reprise dans la collection des normes européennes. En Europe, les entreprises qui étaient déjà certifiées EN 16001 n'auront qu'à faire un audit de renouvellement pour être certifiées ISO 50001. Il n'est pas nécessaire de reprendre toute la méthode car il y a beaucoup de cohérence entre les deux normes. Si l'engagement de la direction a été mise plus en lumière dans l'ISO 50001 on reste dans le même esprit malgré des différences de vocabulaire. En Europe, 200 entreprises sont certifiées EN 16001 à l'heure actuelle et pourraient passer à l'ISO 50001. En France, cela peut potentiellement intéresser cinq grandes entreprises. L'une d'entre elles, Schneider Electric France, vient d'ailleurs d'être certifiée ISO 50001.
AE : Si l'ISO 50001 s'est fortement inspiré de l'EN 16001, son élaboration a-t-elle posé problème au sein de l'ISO ?
CP-BC : Sur les 160 pays que compte l'Organisation Internationale de Normalisation (ISO), 61 ont décidé de participer à l'élaboration de l'ISO 50001. Globalement, on a eu affaire à un projet assez consensuel porté principalement par les Etats-Unis et le Brésil qui avait tous les deux la responsabilité du secrétariat technique chargé du développement de la norme. Les Etats-Unis sont arrivés avec comme document de référence leur norme américaine (ANSI MSE 2000:2008 A management system for energy) mais elle ne correspondait pas à l'esprit et à la structure de l'ISO 14001 contrairement à la norme européenne EN 16001. Les discussions ont également porté sur des aspects conceptuels : les Européens avaient une approche quantitative et ont bataillé pour qu'un plan de comptage soit prévu dans la norme ISO 50001 contrairement aux Etats-Unis. Mais au final, l'élaboration de la norme a pris un peu moins de trois ans soit un peu moins que la durée moyenne d'élaboration des normes ISO en raison de la séquence d'étapes d'élaboration et de recherche du consensus qui incluent notamment une enquête publique en France.
Propos recueillis par Florence Roussel
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