Faut-il attendre quelque chose du G20?

Julie de la Brosse -  24/06/2010 15:44:00

Austérité, croissance, yuan, régulation financière... les membres du G20 vont aborder des thèmes difficiles à Toronto ce week-end. D'autant plus délicats que les grandes puissances mondiales ont pour la majorité entameé leurs réformes seules, sans consultation préalable. L'Expansion.com fait le point.

Austérité vs croissance : les discussions pourraient tourner court

Ce sera probablement le sujet de ce sommet de Toronto. Alors que deux grands pays européens - l'Allemagne et la Grand Bretagne -  se sont lancés dans des politiques d'austérité budgétaire pour assainir leurs finances publiques, les Etats-Unis s'inquiètent de leurs effets néfastes sur le croissance mondiale. La semaine dernière le Président américain a ainsi demandé à ses homologues européens, via un courrier très officiel, de ne pas compromettre la reprise mondiale par une politique d'austérité précipitée. Mercredi c'est Tim Gheitner qui est monté au créneau, "sans croissance aujourd'hui, les déficits se creuseront et handicaperont la croissance future", a déclaré le secrétaire au Trésor américain. Pas de quoi convaincre l'Allemagne qui a réaffirmé haut et fort sa stratégie de consolidation budgétaire. Les économistes sont pourtant de plus en plus nombreux à s'élever contre cette cure d'austérité massive. Mais il y a peu de chance que les Etats européens fassent machine arrière. Encore une fois, ce ne sera pas au G20 que les grandes décisions seront prises...

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Les taux de change : la Chine très attendue

Le yuan sera au coeur des débats du week-end, même si la Chine refuse catégoriquement d'aborder le sujet. A plusieurs reprises elle a déclaré que la valeur de sa monnaie ne concernait qu'elle seule, et qu'elle ne céderait pas aux pressions exercées depuis de longs mois par ses partenaires commerciaux. Mais coup de théâtre ce lundi, la banque centrale de Chine s'est décidée à renouer avec un système de change plus souple. Le lendemain, elle a même assorti son nouveau dispositif d'un premier geste concret en fixant un taux de change en hausse de 0,43% par rapport au cours de la veille, son plus fort gain en cinq ans. Bien sûr, cela sera insuffisant à calmer les attentes de ses homologues du G20, et particulièrement des Etats-Unis, qui se plaignent d'une sous-évaluation très nocive pour les emplois américains. Ce premier pas chinois est-il un manière de montrer que le pays n'est plus complètement hermétique aux pressions internationales, ou au contraire une façon de clore définitivement le débat ? Réponse en fin de semaine...

La taxe sur les banques : aucun consensus n'est prévu

C'est l'échec couru d'avance. Malgré les propositions du FMI, mandaté lors du dernier G20 de Pittsburgh pour réfléchir à une taxe destinée à ponctionner le système financier, la taxe sur les banques ne fera probablement l'objet d'aucun consensus à Toronto. Trop de pays y sont encore opposés, à l'image du Canada, l'hôte du week-end, mais aussi de l'Australie ou encore du Brésil. Ces Etats, dont les systèmes financiers ont résisté à la crise ne veulent pas payer pour l'inconscience des autres. Cela ne signifie pas pour autant que la taxe bancaire sera complètement enterrée. L'idée séduit en en effet de plus en plus de pays. Cette semaine, l'Allemagne, la Grande Bretagne et la France se sont mis d'accord sur un dispositif. L'Europe aussi est en train de peaufiner son propre projet, quand les Etats-Unis n'y sont pas fermement opposées. Pour ces pays, la difficulté n'est pas tellement de s'accorder sur le principe d'une taxe mais plutôt sur les modalités de cette dernière. La question fondamentale est de savoir ce qu'elle aura vocation à alimenter : un fonds de garantie pour les banques , comme le demandent Berlin et Bruxelles, ou les caisses de l'Etat, comme le voudraient la France et la Grande Bretagne ?

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La taxe sur les transactions financières : pas convaincante

L'idée ressurgit régulièrement, notamment lors des différents G20. Cette taxe sur  les transactions financières, "emprunte" de la taxe Tobin, a pour objectif de limiter la spéculation, et dans le cas présent de faire payer aux banques le soutien dont elles ont bénéficié pendant la crise. Mais la France et l'Allemagne, qui ont décidé de porter conjointement la demande de la taxe sur les transactions au programme du sommet, risquent de se confronter à un mur de protestations. A chaque fois que le mot taxe Tobin est prononcé, il fait trembler les gros acteurs de la finance, mais rend surtout sceptiques  les économistes, qui mettent en avant la difficulté à l'appliquer Même le FMI a préféré y renoncer au profit d'une taxe sur les banques.

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Le renforcement des fonds propres : rassemble tous les espoirs

En principe, ce sont les accords de Bâle qui règlent la question, extrêmement importante depuis l'éclatement de la crise, des fonds propres. Mais les accords de Bâle III, en cours d'élaboration, font l'objet d'importantes dissensions entre les Etats. Le G20 pourrait donc être l'occasion de s'accorder sur les points les plus litigieux. C'est en tous cas ce que souhaite le Canada, pour qui le renforcement des fonds propres est la priorité de la régulation financière. Mais là encore, il sera difficile de trouver un terrain d'entente. Aujourd'hui, les Etats-Unis n'ont toujours pas adopté Bâle II dans sa totalité. Et les banques font tout leur possible pour éviter des réglementations trop contraignantes, qui selon elles pourraient mettre en péril la reprise économique.

Faut-il attendre quelque chose du G20?

Julie de la Brosse -  24/06/2010 15:44:00  - L'Expansion.com

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Supervision des marchés dérivés : le probable consensus

Pour la plupart des Etats, cette réforme est essentielle. Il est impératif de réorganiser les marchés dérivés de gré à gré tropsophistiqués et pas assez transparents. Or chance, les solutions techniques existent - la mise en place de chambres de compensation (lire la définition ici), la centralisation des ordres, ou encore la standardisation des produits financiers, afin d'éviter la prolifération de produits dérivés - et de nombreux Etats ont commencé à travailler sur le sujet. Les Etats-Unis par exemple, réfléchissent à la liste des instruments concernés par l'obligation de passer par une chambre de compensation. En Europe, l'idée d'une chambre de compensation unique pour les dérivés libellés en euros suscite un large consensus. Le G20 pourrait donc être l'occasion d'accélérer le processus...

Le "too big to fail": des solutions à inventer

Lucas Jackson / Reuters

L'expression est née de la crise. Et il est probable qu'elle lui survive. Si les chefs d'Etats et de gouvernements des vingt plus grandes puissance mondiales vont assurément discuter des grandes lignes d'un dispositif pour les banques qui représentent un risque systémique ("Too big to fail"), pas sûr que cela conduise à des mesures concrètes. En effet, tout le monde s'accorde à dire qu'il n'est plus possible que les Etats, et donc le contribuable, viennent au secours de ces banques en cas de faillite, mais personne ne parvient à s'accorder sur la manière d'éviter ce risque.  Il y a quelques mois, les Etats-Unis proposaient de scinder les  grandes banques en deux afin de séparer les activités de détails des activités de marché. Mais une telle proposition relève de l'impossible, et ne serait d'ailleurs pas forcément souhaitable.

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Pour les Etats, la tâche sera d'autant plus ardue que ces géants entretiennent, par nature des activités dans plusieurs pays et ne peuvent pas, par conséquent, être mis au pas par un seul gouvernement.

Encadrement des rémunérations et paradis fiscaux : un bilan contrasté

Ce sont les sujets récurrents des derniers G20. A Pittsburgh, les Etats s'étaient entendus sur un encadrement plus strict des bonus. A Londres, ils avaient décidé conjointement de déclarer la guerre aux paradis fiscaux. Pour Toronto le programme n'est pas encore bien défini, mais la France a réaffirmé sa volonté de soulever de nouveau la question de l'encadrement des primes et rémunérations dans la finance. Jusqu'à présent, les engagements pris par les différents Etats ne sont pas tout à fait concluant. Selon le Conseil de stabilité financière, ces normes ne seraient pas appliquées partout de manière homogène. Certaines banques américaines ou japonaises sont ainsi montrées du doigt. Le principe  de sanctions pourrait même être examiné.

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Quant aux paradis fiscaux, la France et Allemagne ont une nouvelle fois demandé à « poursuivre » vigoureusement la lutte contre les pays non coopératifs. Des sanctions sont également à l'étude...

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"Une nouvelle crise est possible"
Ce qu'il faut retenir du G20 de Pittsburgh
G20 échec ou succès ?